La chambre de ma fille de treize ans est décorée de récompenses.
Les encadrer et les accrocher au mur de sa chambre n’était pas mon idée, mais la sienne.
Elle est très fière de ses récompenses !
Je suis fière aussi, mais je fais attention à ne pas trop le montrer, car je ne veux pas qu’elle pense que je l’aime seulement à cause de cela.
Comme tous les parents, j’ai moi-même toujours été dans un système compétitif : de l’école au travail en entreprise, certains reçoivent des récompenses pendant que les autres se sentent inutiles.
Je me souviens encore de ma prof d’anglais en sixième qui faisait une liste des notes de contrôle au tableau.
Bien sûr, elle ne notait pas les prénoms des élèves auxquels appartenaient les notes, mais vous pouviez voir clairement si vous étiez pire que tout le monde, bon ou excellent.
J’étais super fière, car ma note était toujours au top.
J’aimais être au top !
Comme ma fille aujourd’hui, j’aimais aussi les récompenses, je les collectionnais avec enthousiasme.
Pour moi, l’école a été une conquête : je voulais être la meilleure et, à en juger par mon bulletin scolaire, je l’étais.
Bien que mon lycée ait été décrit comme un établissement d’enseignement progressiste, les principales leçons que j’y ai apprises étaient : « Pour réussir, il faut investir beaucoup de temps, ta priorité doit être le travail. Tu dois sacrifier d’autres choses qui te rendent heureuse et tu dois être meilleure que la personne assise à côté de toi”.
En plus de l’école, je pratiquais quatre activités extra-scolaires et, même si j’y ai appris d’importantes leçons sur le travail d’équipe, la saison se terminait toujours par des récompenses pour moi et des applaudissements pour les autres.
Je rentrais souvent chez moi avec de nouveaux trophées entre les mains à ajouter à ma collection sans cesse croissante.
J’adorais regarder ces trophées depuis mon lit, en m’endormant le soir.
Ils étaient brillants, et leur éclat promettait un bel avenir.
Mon ambition insatiable m’a conduit à l’une des universités les plus prestigieuses du pays, avec un autre processus d’admission extrêmement compétitif.
Après l’obtention de mon diplôme, mon ambition m’a conduit dans une entreprise prestigieuse.
À 30 ans, j’avais un bureau avec vue et une plaque d’argent avec mon nom sur la porte de mon bureau.
C’était super pendant quelque temps !
J’étais « dans le vrai monde », dans la capitale, je ne portais que des jupes lavées à sec et des chemises repassées, je me sentais très importante.
Tout mon travail acharné, tout au long de mes études, a finalement porté ses fruits.
Jusqu’à un certain point, ma vie ressemblait à une échelle : maternelle, école primaire, lycée, université, ma propre entreprise en démarrage, emploi dans une entreprise importante.
Puis, je me suis posé une question qui a tout changé : à quoi bon ?
D’autres questions ont accompagné ma léthargie mentale :
- Pourquoi le succès implique-t-il de passer plus de temps au travail qu’avec ses enfants ?
- Pourquoi organisons-nous toute notre vie autour de notre travail ?
- La croissance est-elle forcément un signe de succès ?
- Suis-je plus importante si j’ai davantage de personnes ‘en-dessous’ de moi ?
- Pourquoi nos salaires, qui sont le seul outil pour atteindre la stabilité et la santé, sont-ils si subjectifs ?
- Pourquoi les personnes possédant certaines compétences sont-elles plus précieuses que d’autres, alors que nous avons besoin d’une variété de compétences pour fonctionner de manière optimale en équipe ?
- Pourquoi parlons-nous même d’une « équipe » alors que notre système de récompense oppose les collègues les uns aux autres ?
Alors que je naviguais à travers la politique et les préjugés de cette énorme entreprise très respectée, ces questions ont commencé à me venir à l’esprit.
Mais j’avais investi plus de 17 ans à gravir cette fichue échelle et je n’étais pas prête à abandonner maintenant.
Quand j’ai accouché de mon premier enfant, j’ai commencé à perdre du terrain.
Les échelles ne menaient plus au ciel, mais commençaient à s’effondrer.
Au boulot, je finissais toujours mes projets à temps, mais je ne me démarquais plus.
J’ai commencé à comprendre à quoi cela ressemble d’être sous-estimée et négligée.
Treize ans après, si l’on regarde ma carrière, on a l’impression que je n’ai pas fait beaucoup de chemin.
Au début, j’avais l’impression d’être forcée d’arrêter d’être ambitieuse, comme d’être forcée de descendre de mon échelle, forcée d’accepter cette vie difficile de mère qui travaille.
J’étais en colère, indignée.
Toutes les soirées sont consacrées aux devoirs, au travail.
Mais pourquoi fait-on tout cela ?
J’ai de la chance à bien des égards, je le sais.
Je ne me plains pas d’où je suis, mais j’aurais certainement pu y arriver avec beaucoup moins de stress, de pression et de compétition avec les autres.
Et en cours de route, j’aurais pu passer beaucoup plus de temps avec les personnes que j’aime.
Je ne veux pas voir ma fille passer des heures à faire ses devoirs, se soucier excessivement des contrôles et des dissertations, passer trop de temps sur des activités extra-scolaires, etc.
Elle n’a pas besoin d’aller dans une université prestigieuse et de gagner des millions pour réaliser son potentiel.
Tout ce que je veux pour elle, c’est l’opportunité d’utiliser ses compétences pour servir une communauté qui la voit et l’apprécie.
Et moi, j’en ai fini avec le reste.
J’ai fini d’essayer de réussir dans un système qui récompense la compétition, l’exclusivité, l’épuisement professionnel, l’égocentrisme, le manque de sommeil et les valeurs morales douteuses.
J’ai fini de croire que le succès signifie plus de luxe, plus d’argent, moins de temps.
J’en ai fini avec des termes comme « la meilleure » et « trop ambitieuse ».
Bien sûr, c’est une chose de dire que j’en ai fini avec tout, et une autre de le faire réellement.
En fait, pour que cela soit vrai, cela signifie que je dois :
- Désapprendre des années de conditionnement social
- Me démêler de l’enchevêtrement de mes propres croyances sur l’estime de soi
- Trier les messages sociaux qui continuent de me parvenir de toutes directions et menacent de nourrir mon ego
- Démolir ce système
En fait, pour en finir avec tout ça, je dois être persévérante, mais dire que j’en ai assez, c’est au moins le début.
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