Skip to Content

Pourquoi la société continue de protéger les abuseurs

Pourquoi la société continue de protéger les abuseurs

Ils vivent parmi nous. Ils ont un visage, une voix, un métier.

Parfois même une bonne réputation. Ils plaisent aux autres, font rire, inspirent la confiance.

Et pourtant, derrière cette image bien soignée, se cache un homme qui te maltraite, te réduit au silence, te vide de ton énergie.

L’abuseur n’est pas toujours violent physiquement.

Il peut être charmeur, brillant, cultivé, mais redoutable dans l’intimité.

Ce que tu vis avec lui, tu ne peux pas toujours le prouver, mais tu le ressens jusque dans ton corps.

L’humiliation, la peur, le déni, le doute de toi. Pourtant, quand tu parles, il y a un malaise.

On t’écoute, mais on te soupçonne. On dit compatir, mais on minimise.

Tu espères qu’on te protégera, mais on te désavoue.

Tu découvres alors une réalité cruelle : la société préfère protéger l’abuseur que d’entendre la souffrance de la victime.

Ce n’est pas un accident, c’est une structure.

Un enchaînement de comportements, de croyances et de complicités qui font de ta douleur un détail.

Et de ton agresseur, un homme qu’on préserve, qu’on défend, parfois même qu’on admire.

La banalisation de la violence psychologique

La violence psychologique est encore largement ignorée.

Tant qu’il n’y a pas de bleus visibles, la société refuse de voir.

Ton mal-être est perçu comme une exagération.

On te demande d’être forte, tolérante, patiente.

On attend de toi que tu comprennes ses difficultés, ses blessures, ses frustrations.

En plus, on détourne le regard sur ses insultes, ses silences, ses critiques répétées.

Tu entends qu’il faut dialoguer, qu’il ne faut pas juger trop vite.

Mais en réalité, on t’oblige à endurer. On te fait croire que ton ressenti est trop subjectif, trop affectif.

Cette banalisation de la violence invisible est le premier pilier de la protection sociale des abuseurs.

Le mythe de l’homme bien

Tu le vois clairement lorsqu’il s’agit d’un homme charismatique.

Il sait exactement comment se montrer sous son meilleur jour.

Il parle bien, il s’habille bien, il sait se faire aimer.

Cet homme est drôle, généreux en public, impliqué dans sa communauté.

Il a une image, une identité, une reconnaissance.

Dans cette configuration, ton récit devient une menace pour l’ordre établi.

On ne veut pas croire qu’un homme « comme lui » pourrait être un tyran domestique.

On te fait sentir que tu abîmes sa réputation, que tu cherches la vengeance ou que tu n’acceptes pas la rupture.

Cette image de « l’homme bien » empêche les autres de voir la vérité.

On préfère protéger le masque que l’homme porte, plutôt que de soutenir celle qui souffre en silence.

Pourquoi on ne croit pas les femmes

Derrière cette protection, il y a aussi un déni collectif.

Admettre qu’un père, un mari, un collègue, un ami est un abuseur, c’est remettre en cause toute une structure affective et sociale.

Cela crée un inconfort trop fort. Pour s’en protéger, on banalise les faits, on minimise les paroles, on change de sujet.

Ce refus de voir est une forme de complicité silencieuse.

Il devient plus facile de douter de toi que de remettre en cause un lien qu’on préfère garder intact.

On a peur de la vérité, car elle bouleverse l’ordre, les souvenirs, la tranquillité apparente.

Alors, on préfère que tu te taises, qu’on ne parle plus de ça, qu’on passe à autre chose.

Des institutions défaillantes et froides

Tu te rends compte également que les institutions ne sont pas de ton côté.

Lorsque tu veux porter plainte, on te déconseille, on te dissuade, on te fait comprendre que ce sera long, difficile, inutile.

Quand tu y vas quand même, on note, on questionne, mais sans croire.

Le doute est là, dans les regards, dans les formulations.

On veut des preuves, des dates, des témoins. Mais comment prouver la peur, l’humiliation, l’usure psychologique ?

Comment montrer que tu as été détruite à petit feu ?

La justice exige des traces visibles, tangibles, alors que les violences les plus destructrices ne laissent que des cicatrices intérieures.

L’impunité est alors renforcée par une machine judiciaire lente, froide, parfois déshumanisante.

Le silence dérangé par ta parole

Dans le même temps, les professionnels censés t’aider peuvent être, eux aussi, imprégnés des mêmes schémas sociaux.

Certains psychologues, médecins ou travailleurs sociaux te renvoient à ta responsabilité.

Tu entends qu’il faudrait travailler sur toi, que tu attires les mauvaises personnes, que tu rejoues des schémas familiaux.

Plutôt que de te soutenir dans ton désir de partir ou de te reconstruire, on t’invite à t’adapter, à comprendre, à pardonner.

L’abuseur, lui, reste absent de la conversation. Invisible. Intouchable.

L’accusée, c’est toi

Et lorsque tu parles, le doute s’infiltre partout.

Ta parole est tout de suite mise en concurrence avec la sienne.

Il suffit qu’il nie pour que tout redevienne flou. Tu es perçue comme conflictuelle, instable, excessive.

On cherche ce que tu aurais pu faire pour le provoquer.

On questionne ton passé, ton comportement, ta sexualité, ta cohérence.

Cette mise en accusation permanente détourne l’attention de l’essentiel : ce que tu vis. Le problème n’est plus l’abus, mais ta légitimité à le dénoncer.

Des stéréotypes qui protègent les agresseurs

Cette méfiance envers la parole des femmes n’est pas nouvelle.

Elle est ancrée dans des siècles de conditionnement culturel.

On a longtemps appris que les femmes étaient plus enclines au mensonge, à la manipulation, comme si leur parole était par essence suspecte.

Lorsqu’une femme dénonce un abus, elle doit être impeccable, parfaite, irréprochable.

Le moindre faux pas, la moindre contradiction suffisent à tout invalider.

Et si plusieurs femmes parlent, on dit qu’elles se sont concertées.

Si une seule parle, on dit qu’elle est isolée. Quoi qu’elle fasse, elle est en tort.

Cette structure de défiance est une violence en soi.

Le pardon comme exigence sociale

Tu ressens aussi une pression sourde pour pardonner.

On te parle de résilience, de seconde chance, de paix.

On voudrait que tu avances, que tu tournes la page, que tu ne restes pas bloquée sur le passé.

Mais ce qu’on attend de toi, c’est surtout que tu te taises. Qu’on n’ait pas à choisir entre toi et lui.

Que les apparences soient sauves.

Le pardon devient une façon de protéger les autres de leur malaise, pas de soulager ta souffrance.

On te demande de libérer tout le monde d’un poids qui n’est pas le tien.

La virilité toxique encore valorisée

Cette protection des abuseurs est aussi entretenue par les représentations sociales.

L’homme dominant, colérique, autoritaire est encore vu comme viril.

Son comportement est parfois interprété comme une expression de force ou de passion.

En face, la femme sensible, affectée, blessée est perçue comme faible ou dépendante.

Ces stéréotypes brouillent la lecture de la réalité.

Ils font croire que les rapports de pouvoir sont des jeux de caractère, alors qu’ils sont souvent le fruit d’une emprise construite.

L’effondrement que personne ne veut voir

Il y a aussi ceux qui, pour se protéger eux-mêmes, nient l’existence des abuseurs.

Reconnaître leur existence, c’est regarder en face les violences qu’on a subies ou qu’on a laissé faire.

C’est admettre qu’on a été aveugle, silencieux, complice. Cette prise de conscience est douloureuse.

Elle remet en cause les rôles sociaux, les familles, les souvenirs, les valeurs.

Alors, on préfère dire que tu exagères, que tu as mal compris, que tu veux nuire.

C’est plus facile que d’ouvrir les yeux sur une vérité trop lourde à porter.

Conclusion

Tant que la société choisira le confort du silence plutôt que le courage de la vérité, les abuseurs continueront d’agir sans crainte.

Mais ton courage, lui, crée une faille dans ce système.

Chaque mot que tu poses, chaque pas que tu fais pour sortir de l’emprise, chaque fois que tu choisis de survivre plutôt que de te soumettre, tu fissures cette protection injuste.

Il est temps de cesser de protéger ceux qui détruisent. Il est temps d’écouter vraiment celles qui survivent.

Le changement commence quand une voix brise le silence. La tienne.

À lire aussi : L’impunité des hommes toxiques : pourquoi on excuse toujours leurs abus

Pourquoi mettre un terme à une relation peut être la meilleure chose pour vous

Il s’est avéré que le Prince charmant n’était en fait rien d’autre qu’une définition plutôt fidèle du psychopathe.
Voilà ce qui t’attend si tu restes dans une relation amoureuse avec un homme toxique!